Le président français a mis en garde contre la « menace » persistante de Boko Haram et appelé la communauté internationale à faire « davantage » pour aider cette région, lors d’un sommet samedi à Abuja, tandis que son homologue nigérian alertait sur la gravité de la situation humanitaire autour du lac Tchad.
« Les résultats sont impressionnants » dans la lutte contre Boko Haram qui « a été amoindri, obligé de reculer » mais « ce groupe terroriste reste néanmoins encore une menace », a souligné à la mi-journée M. Hollande lors d’un point de presse conjoint avec son homologue nigérian, Muhammadu Buhari.
Le chef de la diplomatie britannique Philip Hammond a lui aussi estimé dans un communiqué qu’il ne fallait pas baisser les bras: « Nous devons maintenir la dynamique pour gagner la guerre et construire les bonnes conditions d’une stabilité ultérieure dans la région ».
Le sommet s’est ouvert avec retard, vers 15H30 (14H30 GMT), en présence de MM. Hollande et Hammond, des chefs d’États des pays frontaliers du Nigeria (Bénin, Cameroun, Tchad et Niger) et le secrétaire d’État américain adjoint Antony Blinken.
Les discussions devaient porter sur les moyens de mettre fin aux exactions des islamistes de Boko Haram qui depuis 2009 ont tué plus de 20.000 personnes et contraint plus de 2,6 millions d’habitants à fuir leur foyer.
Le déploiement effectif de la force multinationale mixte (FMM), composée de 8.500 hommes originaires du Nigeria et des pays voisins, devait aussi être au cœur des débats. Car si elle est mise en place depuis juillet, son déploiement opérationnel est resté jusqu’ici très confus. Une meilleure coordination entre les différentes armées est indispensable pour combattre un groupe qui s’est replié aux frontières du Cameroun, du Niger et sur les contours du lac Tchad.
Depuis l’arrivée de Muhammadu Buhari à la tête du Nigeria, il y a un an, l’armée a multiplié les victoires militaires contre Boko Haram, conduisant le président à annoncer que le groupe islamiste était « techniquement » vaincu. Désormais, Boko Haram « ne tient plus » aucun district administratif dans le nord-est, a-t-il de nouveau assuré samedi.
Pourtant, le groupe rebelle reste puissant et commet fréquemment des attentats meurtriers, notamment en envoyant des kamikazes dans les lieux publics. La forêt de Sambisa dans le nord-est demeure un bastion pour les rebelles.
Dans une déclaration unanime adoptée vendredi, à la veille du sommet, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est « alarmé » des « liens entre Boko Haram et l’Etat islamique ». Il y a un an, le premier a prêté allégeance au second. Des combattants nigérians ont même été vus jusqu’en Libye, mais aussi dans la région du Sahel, contrôlée par des groupes proches d’Al-Qaïda.
– Crise humanitaire alarmante –
Selon le Conseil de sécurité, les « activités de Boko Haram continuent de compromettre la paix et la stabilité en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ». Certaines des exactions de Boko Haram « pourraient constituer des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre », souligne l’ONU, qui se dit « gravement préoccupée par l’ampleur alarmante de la crise humanitaire (…) dans la région du bassin du lac Tchad ».
« La principale difficulté à présent est la réhabilitation » des infrastructures détruites, a confirmé samedi Muhammadu Buhari, évoquant les écoles, les centres de soins, les routes et les ponts, mais aussi l’aide aux déplacés qui à plus de 60% sont des femmes et des enfants, pour la plupart des orphelins. Le président nigérian évalue samedi à 960 millions d’euros l’aide nécessaire au développement de la région.
« Il est indispensable que la communauté internationale fasse davantage aujourd’hui », a appuyé François Hollande en rappelant que « 4,5 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, dont 300.000 enfants ».
Plus tôt, le président français avait fait savoir que Paris allait continuer « de soutenir la force multinationale mixte », à travers de l’assistance, de la formation et du renseignement. La force Barkhane, déployée au Sahel, peut également « intervenir chaque fois qu’il y a un risque terroriste ou une action menée par des groupes », a-t-il ajouté. « Nous sommes là, nous sommes présents et nous allons rester présents. »
M. Hollande a précisé avoir signé avec M. Buhari « une lettre d’intention » en vue d’un accord de défense entre Paris et Abuja.
La France, qui possède une base militaire au Tchad pour sa lutte antiterroriste dans la région du Sahel, est considérée comme un partenaire incontournable entre le Nigeria et ses voisins, tous francophones, et avec qui les relations sont historiquement difficiles.
Le Nigeria a souffert d’un manque de coopération militaire internationale sous les précédentes administrations, son armée étant régulièrement accusée de corruption et de violations des droits de l’Homme. Mais les États-Unis ont annoncé la semaine dernière qu’ils pourraient lui vendre une douzaine d’avions militaires. La Grande-Bretagne, pour sa part, ancienne puissance coloniale dans la région, forme des unités de forces spéciales.
Source AFP