Aujourd’hui, l’heure est à la traque des principaux bastions de l’Etat islamique (EI). En Syrie et en Irak, les armées de ces pays, fortement appuyées par la communauté internationale, ne lui accordent le moindre répit.
Cette détermination à casser du djihadiste est observable également en Libye. En effet, les forces fidèles au gouvernement d’union nationale piloté par Fayez el-Sarraj, ont lancé un assaut le samedi 11 juin dernier contre la ville de Syrte, réputée être le principal fief de l’EI hors zone irako-syrienne. L’objectif de cette opération est d’en déloger les barbus et de ramener la ville dans le giron des autorités légales. Cette bataille valait donc la peine d’être menée dans la perspective de positionner la Libye comme un Etat normal dans le concert des nations civilisées. Au moment où nous tracions ces lignes, la bataille de Syrte n’était pas totalement gagnée, puisque le groupe Etat islamique n’avait pas encore agité le drapeau blanc en guise de reddition. Mais la dernière poche de résistance des barbus, se réduit désormais à une zone de 3 km2 au cœur de la ville.
La fin de la bataille de Syrte pourrait marquer le début d’une nouvelle guerre
L’espoir est donc permis mais pour autant, les nouvelles autorités libyennes seraient mal inspirées de tomber déjà dans l’euphorie. Car la bataille de Syrte est en passe d’être gagnée, mais la guerre contre le djihadisme en Libye est loin d’être terminée. Et pour cause. D’abord, d’après les témoignages des habitants restés sur place, les djihadistes encore présents dans la ville au moment de l’offensive, se seraient débarrassés de leur barbe pour mieux se fondre dans la population. Si cette version se confirme, le risque est grand de les voir réapparaître à tout moment, sous forme de bombes humaines pour continuer leurs œuvres sataniques à Syrte et même au-delà. Et dans cette hypothèse, qui, malheureusement, est fort probable, la fin de la bataille de Syrte pourrait marquer le début d’une nouvelle guerre dont l’évocation du seul nom est suffisante pour susciter le froid dans le dos. Ce nom redoutable est la guerre asymétrique. Et en la matière, les djihadistes ne se fixent aucune limite. En effet, ils frappent dans le tas et à l’aveuglette. L’essentiel est de semer la mort et la désolation après leur passage. Les cas de la Syrie et de l’Irak peuvent être évoqués pour illustrer cela. Et face à une telle guerre, tous les pays du monde, quelle que soit leur puissance, sont vulnérables. Le deuxième élément sur lequel on peut se fonder pour soutenir l’idée selon laquelle la bataille de Syrte est en passe d’être gagnée mais la guerre contre les barbus n’est pas terminée, est liée au fait que les djihadistes ne se trouvent pas seulement à Syrte. Certes, cette ville est leur bastion, mais la réalité est que tout le pays en est infesté et ce depuis 2014, pour ne pas dire depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. A qui la faute ? A la communauté internationale. En effet, l’on peut faire le reproche à celle-ci de s’être débarrassée du colonel Kadhafi sans avoir pris le soin d’assurer le service après-vente.
Les Libyens peuvent considérer la déroute des islamistes à Syrte comme leur victoire
Ce faisant, elle a ouvert une véritable boîte de Pandore d’où sont sorties toutes sortes de forces du mal. Au nombre de ces forces du mal, l’on peut citer justement l’EI traquée en Syrie et en Irak avec le soutien actif de l’Occident, qui s’est retrouvé comme poisson dans l’eau dans le chaos libyen à partir duquel il a poussé des tentacules un peu partout dans l’espace sahélo-saharien. Les populations de cette partie de l’Afrique en paient le prix fort aujourd’hui. C’est pourquoi toute action forte tendant à détruire la ruche libyenne des barbus, peut avoir leur caution. De ce point de vue, l’on peut se réjouir à Bamako, à Niamey ou encore à Ouagadougou, que les nouvelles autorités libyennes, avec à leur tête Fayez el-Sarraj, aient compris que la paix dans leur pays et dans l’espace sahélo-saharien passe par la destruction des foyers djihadistes en Libye. Le nouveau gouvernement d’union nationale est d’autant plus à féliciter qu’il a réussi le tour de force non seulement, pour l’essentiel, de compter sur ses propres forces pour bouter l’EI hors de Syrte, mais aussi d’entraîner dans cette lutte, la mosaïque d’organisations rebelles qui régentent le pays depuis la chute de Kadhafi en 2011. Les Libyens peuvent donc considérer la déroute des islamistes à Syrte comme leur victoire. Et dans un pays qui a depuis toujours été nourri au lait du nationalisme, cela peut rassembler les Libyens dans un vaste front contre l’EI. Mais comme l’on ne vit pas seulement de nationalisme, le gouvernement d’union nationale de Fayez el-Sarraj doit, ici et maintenant, répondre aux préoccupations existentielles des Libyens, notamment les préoccupations liées au chômage des jeunes. Car l’on peut dire que c’est l’oisiveté et le manque de perspectives qui peuvent avoir poussé certains à offrir leurs services aux forces djihadistes et à la kyrielle de mouvements anarchiques qui ont pignon sur rue aujourd’hui en Libye. Le pays a les ressources en tout cas pour envisager avec sérénité son avenir. Il reste la volonté politique des nouvelles autorités du pays. A cela, il faut ajouter l’engagement fort de la communauté internationale à aider la Libye à sortir de la nuit dans laquelle elle est plongée aujourd’hui. C’est à ce prix que l’on peut véritablement réduire à sa portion congrue, la succursale de l’EI dans ce pays, à défaut de l’éradiquer.
SOURCE LE PAYS