Un dialogue politique de haut niveau, se tient à Bamako, sous le signe de la promotion du leadership des femmes dans la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent.
Les femmes des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) aspirent à être associées aux différents processus de décision dans la prévention et lutte contre l’extrémisme violent qui terrasse la sous-région.
Cette contribution peut prendre plusieurs formes, souligne dans une déclaration à Anadolu, Baby Hassia, consultante pour ONU Femmes, basée au Secrétariat permanent du G5 Sahel à Nouakchott en Mauritanie.
Associer, par exemple, la Plateforme régionale des femmes du Sahel, instance mise en place en 2015 par les cinq pays, aux différentes réunions régionales régulières, voire aux sommets du G5 Sahel, figure selon Hassia parmi les objectifs concrets attendus d’un événement régional qu’accueille la capitale malienne.
Un dialogue politique de haut niveau, se tient en effet mardi et mercredi à Bamako, sous le signe de la promotion du leadership des femmes dans la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent.
Ce besoin est né d’un double constat. Celui, d’abord, d’un contexte sécuritaire critique dans une sous-région éprouvée par la crise malienne de 2012, les conséquences de la guerre civile libyenne et l’expansion de Boko Haram.
A l’occasion de ces différentes crises, aussi complexes que multidimensionnelles, les femmes se trouvent, ensuite, particulièrement visées par des groupes extrémistes ayant souvent à leur propre agenda « le contrôle et la subjugation des femmes et des filles », d’après une note d’ONU Femmes, co-organisatrice du dialogue avec le G5 Sahel et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Ainsi, « enlèvements, viols, mariages forcés, esclavage sexuel et autres traitements effroyables sont les manifestations les plus visibles de l’horreur qu’elles vivent », d’après la note dont Anadolu a eu copie.
Or, malgré une panoplie d’instruments législatifs et conventionnels, nationaux, régionaux ou internationaux, les femmes restent bien souvent « invisibles », et en tout cas, absentes du processus de décision dans la prévention ou la lutte contre l’extrémisme violent.
Pour Saran Kéita, présidente de l’antenne malienne du Réseau femme paix et sécurité de l’espace Cédéao (REPSFECO), cette invisibilité n’est pas la conséquence d’une inaction, puisque les femmes du Sahel sont très actives au sein d’organisations de la société civile.
L’activiste malienne pointe, dans une déclaration faite à Anadolu, un « manque de volonté politique » chez les dirigeants nationaux. La force de proposition des femmes actives au sein de la Société civile ne se voient pas ainsi traduites par des mesures concrètes. Saran Kéita regrette, également que leurs actions au service de cette cause ne sont pas suffisamment relayées dans l’opinion publique régionale ou internationale.
« Nous lançons un appel à la presse pour qu’elle relaye les choses que font les femmes du Sahel pour lutter contre ce fléau. C’est la presse qui peut nous aider à faire remonter cela aux instances de décision », plaide-t-elle.
Pourtant, les femmes devraient bien prendre une part active dans le processus de lutte contre ce fléau. Et pour cause, elles font partie des principales cibles du terrorisme, qui est la forme d’extrémisme violent la plus aboutie. « D’abord, parce que nous sommes des citoyennes à part entière. Nous devons participer à tout ce qui concerne la vie de notre nation », justifie Kéita.
De par « sa position stratégique au sein de la communauté », ensuite, la femme est investie d’une mission de « veille ». « C’est la première personne à comprendre ce qui se passe au niveau du noyau familial ou communautaire, à remarquer les changements de comportement chez les jeunes, à être confrontée aux processus de radicalisation et à donner l’alerte en attirant l’attention des pouvoirs locaux », a détaillé la présidente de l’antenne malienne du Réseau femme, paix et sécurité de l’espace Cédéao.
Spécialiste Genre régionale d’ONU Femmes basée au Secrétariat permanent du G5 Sahel à Nouakchott en Mauritanie, Baby Hassia suggère dans une déclaration à Anadolu une implication « de bout en bout » des femmes.
« L’absence des femmes du processus de décision en la matière est un frein à la prévention et à la lutte contre ce fléau (…) Elles doivent être impliquées de bout en bout pour apporter leur propre approche sur la question, qui les concerne au premier chef. Autrement, on risque de passer à côté de beaucoup de choses », a justifié Hassia.
Une structure « plurielle et inclusive » comme la Plateforme des femmes du Sahel, regroupant femmes rurales, parlementaires et femmes de la société civile, pourrait être un partenaire de choix en s’associant à toutes les réunions politiques de haut niveau à l’échelle sous-régionale, a encore plaidé Hassia.
Pour Marie Laurence Ilboudo Marchal, députée du Burkina Faso et présidente du réseau parlementaire Femmes et Développement, si les femmes ont, à un moment, contourné leur exclusion de l’arène politique en investissant les organisations de la société civile, il serait temps, désormais, de passer à l’étape suivante en contribuant au leadership pour la paix et la sécurité au Sahel, plaide-t-elle.
« Les femmes sont aussi bien victimes qu’actrices et instruments de tous ces phénomènes violents. Si on veut produire un impact, il faut qu’elles soient impliquées, qu’elles participent à ce combat. Cela ne peut se faire que si elles sont associées au processus de décision », a résumé la parlementaire burkinabè, approchée par Anadolu.
Financé par le Japon, le dialogue politique de haut niveau verra la participation d’une centaine de personnes, dont les représentants des États concernés, de l’ONU, de l’UA, de la société civile régionales et d’experts.
Le dialogue est précédé par le Forum de la Plateforme des Femmes du G5-Sahel, dont les travaux de trois jours prennent fin lundi, à Bamako. Le forum qui accueille 150 participants, dont près de 90 du Mali, a notamment pour objectif de « formuler un plan d’action afin de permettre aux femmes de relever les défis liés à la paix, à la sécurité, à la lutte contre la radicalisation, l’extrémisme violent et le terrorisme. »