Ce jeudi 14 avril marque le deuxième anniversaire du rapt des 276 lycéennes de Chibok par Boko Haram dans le nord-est du Nigeria. Depuis, le groupe, qui se fait désormais appelé Etat islamique en Afrique de l’Ouest, a enlevé des centaines d’autres jeunes filles, dont près de 400 au cours du dernier trimestre de 2014 à Damasak, une localité située au sud de la frontière du Niger.
De plus en plus de mineurs aux mains des terroristes, militairement affaiblis depuis un an, sont utilisés comme bombes vivantes.
On connaît peu de choses de ces jeunes otages. On sait qu’elles ont été retenues un temps dans la ville de Gwoza, ville désignée capitale du califat de Boko Haram en août 2014. L’armée nigériane a depuis contraint les insurgés à prendre la fuite, et ces derniers ont vraisemblablement emmené les lycéennes dans leur convoi. Les combattants islamistes ont mené de nombreux autres rapts de masse depuis Chibok.
Certaines de ces captives ont pu recouvrer la liberté. Leurs témoignages, recueillis au fil des mois, sont riches en enseignements. Ils indiquent qu’elles sont sujettes aux pires traitements.
Boko Haram veut former sa relève
Il faut tout d’abord préciser que ces récits émanent de celles qui, le plus souvent en groupe, ont pu s’échapper au cours des premières semaines de leur captivité. Ou bien d’autres qui ont, elles, été libérées ou abandonnées par les insurgés. Soit parce que l’armée nigériane était sur leurs traces, soit parce que les ravisseurs voulaient relâcher des femmes mariées. Le statut d’épouse n’est pas pour autant un bouclier, puisque pour les insurgés, leurs premières noces ne comptent pas, car elles ont forcément noué alliance avec des mécréants. Celles qui refusent de se marier sont souvent menottées, enfermées, battues et parfois exécutées.
Plusieurs femmes du groupe des trois cents otages retrouvés dans la forêt de Sambisa l’an dernier ont dit qu’elles avaient été mal nourries, violées, et qu’elles subissaient un lavage de cerveau.
D’autres ex-captives interrogées par RFI ont indiqué qu’elles avaient dû suivre des entraînements aux tirs et des formations pour commettre des attentats-suicides. Le New York Times, qui a enquêté au camp de Dalori à Maiduguri, a révélé que des centaines de captives avaient été violées, et que plus de deux cents étaient enceintes à leur arrivée au camp.
Selon les autorités de l’Etat de Borno et les ONG qui travaillent à Dalori, l’objectif des insurgés est de mettre sur pied une nouvelle génération de combattants.
Les mineurs, une proie facile
Les insurgés, en recul depuis une contre-offensive lancée par l’armée nigériane, il y a un an, ont de plus en plus recours à un mode de guérilla de type asymétrique. Ainsi, les mineurs sont de plus en plus utilisés pour des attentats-suicides. Selon un décompte établi par l’Unicef, quarante-quatre enfants ont été mobilisés pour des attentats-suicides en 2015, il s’agissait de jeunes filles dans les trois-quarts des cas.
Pourquoi des enfants ? D’une part, les mineurs sont plus faciles à embrigader. Autre avantage : les communautés sont moins méfiantes à l’égard des enfants. Manuel Fontaine, directeur régional de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, l’a constaté sur le site d’un attentat-suicide à Baga Sola au Tchad fin 2015. « Une jeune fille est arrivée en demandant de l’eau, ce qui se fait. Evidemment, lorsqu’une jeune fille arrive et demande un peu d’eau, on va lui ouvrir la porte, on va la laisser rentrer autour du foyer, autour du feu. Une fois installée, elle s’est fait exploser au milieu de tout le monde. Ça a tué pratiquement tout le monde dans la famille, à part un bébé et une ou deux autres personnes », raconte-t-il.
Ces enfants, insiste l’Unicef, sont des victimes qui agissent le plus souvent sous la contrainte. « Dans certains cas, les enfants déclenchent leur charge, dans d’autres cas, la charge est déclenchée à distance par quelqu’un d’autre. Mais dans tous les cas, ces enfants sont bien évidemment victimes de la situation dans laquelle ils sont mis. Ils ont été convaincus, dans certains cas ont été enlevés, dans d’autres ont simplement été embrigadés, et envoyé à une mort qu’ils ne comprennent pas, et dans des circonstances qu’ils n’arrivent pas à maîtriser. »
A noter que, toujours selon l’Unicef, la région de l’Extrême-Nord du Cameroun a enregistré 21 attaques-suicides menées par des mineurs entre janvier 2014 et février 2016, soit plus qu’au Nigeria pour la même période.
Les parents des victimes appellent à l’aide
Les parents des jeunes filles de Chibok doivent se réunir ce jeudi 14 avril dans leur école de l’État de Borno pour prier ensemble dans l’espoir qu’elles soient libérées saines et sauves. Des proches et certaines des 57 jeunes filles qui ont réussi à s’échapper prévoient une assemblée de prières sur place dès 8h, si l’accès leur est accordé. « Je suis chrétien. La Bible nous encourage à garder l’espoir. C’est d’ailleurs le thème de ce deuxième anniversaire : l’espoir en Dieu », confie Nkeki Mutah, oncle de deux jeunes filles enlevées cette nuit-là.
« Cet anniversaire nous donne encore une fois l’occasion d’appeler la communauté internationale, ajoute M. Mutah, surtout les nations qui se sont engagées à venir en aide à notre pays, à venir au secours des filles. Les gens à Chibok et partout ailleurs sont très en colère, ils ne comprennent pas pourquoi ces jeunes filles sont encore et toujours aux mains de ces gens-là. Nous n’avons jamais vu de preuve qui nous portait à croire que les filles sont mortes. C’est pour ça que je continue d’espérer les revoir un jour. »
A Abuja, la capitale fédérale, une conférence de presse du mouvement #BringBackOurGirls est prévue, puis marche vers la présidence. Une manifestation est également annoncée à Lagos à en début d’après-midi.
Source: RFI