Un centre de recherche américain a épluché et fait parler des documents provenant de l’État islamique. Ils permettent de mieux comprendre qui sont ces candidats étrangers au djihad. Et parfois, il en ressort des résultats surprenants.
«Jeune de 26 ans, célibataire, ne souhaitant pas devenir kamikaze». C’est un peu le portrait-robot que l’on pourrait dresser du djihadiste d’aujourd’hui, après avoir lu le rapport publié lundi par le très sérieux Combating terrorism center (CTC). Les chercheurs de ce centre basé à l’école militaire américaine de West Point près de New York se sont appuyés sur l’analyse de milliers de fiches de djihadistes révélées le mois dernier par plusieurs médias. Ce qu’on a appelé «Daechleaks». Pour exploiter au mieux ces données, des journalistes de la chaîne américaine NBC ont fourni au CTC 4600 fiches compilées dans des fichiers Powerpoint et Excel.
Le centre de recherche qui est «convaincu de l’authenticité des documents» estime que ces formulaires représentent environ 30% des apprentis djihadistes ayant grossi les rangs de l’EI entre le début de 2013 et la fin de 2014. Sur ces documents remplis en arabe, le candidat devait répondre à 23 questions sur son identité, groupe sanguin, niveau scolaire, statut marital ou encore le métier qu’il exerçait avant de venir. Portrait-robot.
Daech attire essentiellement des jeunes, en moyenne âgés de 26-27 ans. Mais pas seulement. Parmi les recrues, les auteurs du rapport ont identifié un homme de près de 70 ans. Marié et père de cinq enfants, il disait avoir rejoint l’État islamique pour y devenir combattant. À l’inverse, le fichier comptait 400 mineurs dont une quarantaine avait moins de 15 ans. Le plus jeune était seulement âgé de 12 ans. Une situation déjà connue puisqu’on savait que le petit frère d’Abdelhamid Abaaoud, coordinateur présumé des attentats de Paris, avait gagné les terres du «califat» à l’âge de 13 ans. Mais pour la première fois, ce rapport donne une estimation chiffrée sur le nombre de mineurs ayant rallié la cause de Daech.
Autre donnée intéressante: 61% des volontaires assurent être célibataires, 30% disent être mariés quand 9% n’ont pas répondu. Sur les 4600 fiches passées au peigne fin, seuls six ont déclaré être séparés ou divorcés. Certains sont même pères d’un ou plusieurs enfants (20% des djihadistes). Ces données viennent là encore confirmer un premier constat qui avait été fait: le djihad n’est pas que l’apanage «d’étrangers solitaires», exclus de la société. Certains laissent parfois une famille entière derrière eux, voire emmènent femme et enfants pour qu’ils puissent «grandir dans l’amour du djihad», comme on l’avait constaté en France à l’été 2014.
Les auteurs ont également établi que le niveau moyen d’éducation était plutôt élevé, surtout quand on le compare avec celui de leur pays d’origine: 30% assurent avoir une éducation secondaire, 22% disent avoir fait des études supérieures et 0,8% serait diplômé. En revanche, la majorité des recrues occupaient des postes peu qualifiés ou précaires dans leur vie d’avant. Ils étaient ouvriers, artisans, étudiants, autoentrepreneurs ou sans activité pour 65% d’entre eux. «La juxtaposition de ces données soulève des questions intéressantes. Il est possible que certains combattants aient été motivés par la frustration de ne pas avoir trouvé un emploi correspondant à leurs niveaux d’études», suggèrent les auteurs.
Source: le FIGARO.