C’est un acte rare, qui illustre la transformation de la justice burkinabè en moins d’un an. Le 25 septembre 2015, alors que les putschistes de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP) n’avaient pas encore déposé les armes et se montraient toujours menaçants à Ouagadougou, Laurent Poda, le procureur général de la République, annonçait l’ouverture d’une enquête sur le coup d’État déclenché quelques jours plus tôt.
Lancer une procédure judiciaire sur un putsch en cours, voilà une mesure que seuls des magistrats sûrs de leur force peuvent se permettre. Ce ne fut pas le cas pendant des années au Burkina Faso. Durant ses vingt-sept années de règne, Blaise Compaoré avait mis la justice en coupe réglée, bloquant les dossiers qui pouvaient lui causer du tort ou nuire à ses proches, comme les assassinats de Thomas Sankara et de Norbert Zongo.
La soif de justice avait été un des moteurs de l’insurrection populaire d’octobre 2014. « C’était même une revendication essentielle de la rue, affirme l’avocat Guy-Hervé Kam, un des meneurs du mouvement Balai citoyen, qui a été à la pointe de la contestation contre l’ancien président. Le régime de transition n’avait pas d’autre choix que d’y répondre. »
La justice militaire renforcée
Les autorités de transition se sont donc vite attelées à la refonte du système judiciaire. Des états généraux de la justice ont été organisés par le ministère, sous la houlette de la garde des Sceaux et ancienne sankariste Joséphine Ouédraogo, et des magistrats réputés pour leur indépendance ont été nommés aux postes stratégiques. Parallèlement, la transition a déterré les dossiers Zongo et Sankara, symboles d’une justice bâillonnée durant près de trois décennies.
Source : Jeune Afrique.