COVID 19 : renforcer la coopération régionale dans le Sahel*
Ces dernières années, la stabilité et la prospérité du Sahel ont été entamées par divers facteurs. Violence, changement climatique, insécurité alimentaire et modestie du développement économique expliquent l’importance des efforts à accomplir dans les domaines de la santé et du bien-être. A plus forte raison depuis que la région a été affectée par la pandémie de COVID-19.
Le Secrétariat exécutif du G5 SAHEL, en droite ligne avec sa mission de renforcement de la coopération entre le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, a rapidement identifié l’étendue des défis consécutifs à la survenance de la COVID 19 dans les pays membres de l’organisation régionale. Il s’agit essentiellement du risque d’accroissement des difficultés auxquelles sont confrontés les Sahéliens – en particulier dans les domaines de la santé et de l’activité économique. Par exemple, combinée aux conséquences du changement climatique, la COVID-19 peut affecter la production agricole et accroître la vulnérabilité aux maladies.
De mauvaises récoltes ont un impact sur la santé de la population et provoquent une crise économique. Pour s’en prémunir, certains rejoignent des groupes armés dont les actions peuvent conduire à la fermeture d’écoles ainsi qu’à la réduction du commerce et des communications.
Le Secrétariat Exécutif du G5 SAHEL a vu dans la pandémie une opportunité d’évaluer ses priorités et de travailler différemment afin de mieux relever les défis auxquels la région est confrontée. Bien qu’elle représente une importante menace potentielle, on ignore à ce jour l’étendue de sa propagation. Si l’on croit les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), le nombre de cas et de décès demeure modeste. L’un des éléments expliquant la plus grande résistance des Etats sahéliens au COVID-19 serait la jeunesse de sa population.
Dans le contexte actuel, renforcer la coopération entre Etats membres supposait la production et le partage d’information permettant un suivi quotidien de la situation sanitaire. La pandémie a donné lieu à une réponse régionale fondée sur la confiance et la mise en commun de données.
Afin de renforcer et de rendre plus pérenne ce progrès vers l’intégration régionale, le Secrétariat Exécutif a initié la distribution d’une revue de presse quotidienne couvrant tous les Etats membres. En outre, il était également fondamental que les frontières restent ouvertes au commerce des denrées alimentaires et d’autres produits, car le climat aride et désertique d’une partie de la région la rend dépendante des importations.
Sous le leadership du gouvernement de la République Islamique de Mauritanie, qui assure la présidence annuelle du G5 SAHEL, les ministres compétents ont décidé de partager et consolider, chaque jour, les rapports épidémiologiques de leurs pays.
L’impact de la pandémie a aussi souligné la pertinence d’un investissement accru dans les systèmes de santé. L’accès aux soins, à une alimentation de qualité, à l’eau potable et à des services sociaux de qualité méritent toute notre attention.
En juillet 2020, en signant un accord tripartite avec la Banque Africaine de Développement (BAD) et le Haut-Commissariat aux Réfugiés (UNHCR), le G5 SAHEL a permis que 20 millions de dollars américains soient mis à la disposition de la lutte contre la COVID-19 dans les pays membres.
Avec le financement de la BAD et l’expertise du UNHCR, le G5 SAHEL a conçu une série d’interventions sanitaires ciblant réfugiés, déplacés et « communautés-hôtes ». En parallèle, des essais cliniques ont cours au Burkina Faso et le réseau de bio sureté du G5 SAHEL augmente sa capacité de tests.
La capacité de résilience de la région s’est vue renforcée par la volonté de recourir au « génie sahélien » pour concevoir et mettre en œuvre des initiatives combinant gouvernance locale, chaînes de valeurs transfrontalières et développement humain. A titre d’exemple, le G5 SAHEL et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), ont soutenu l’investissement dans la santé humaine et animale porté par une alliance de maires représentant les villes de Dori (Burkina Faso), Gossi et Tombouctou (Mali), Tillabéri (Niger). Par ailleurs, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) finance des infrastructures ainsi que l’entrepreneuriat féminin en zone rurale.
A travers l’espace G5 SAHEL, organisations de la société civile et leaders d’opinion ont fait preuve d’une coopération et d’une solidarité sans précédent. Ainsi, l’Emir du Liptako, Ousmane Amirou DICKO a appelé à une trêve humanitaire – tout en saluant les efforts du Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies dans ce sens. Il a souligné « qu’il est de la plus haute importance que les habitants du Liptako agissent ensemble pour que chacun soit protégé – qu’il soit résident, déplacé, réfugié ou de passage ».
Le G5 SAHEL est conscient du fait qu’il importe, plus que jamais, de se rapprocher des citoyens pour écouter leurs réactions, tirer parti de leur inspiration et s’assurer qu’ils sont partie prenante de la conception et la mise en œuvre des interventions. Ceci requiert une méthode fondée sur le partage systématique d’expérience et de tâches entre pays frontaliers.
Au niveau international, la pandémie a créé une instabilité et une confusion mettant en péril la subsistance de nombreux individus et la santé économique d’un grand nombre d’Etats. Toutefois, son impact a également créé des opportunités pour une coopération et une promotion de solutions endogènes qui, comme on l’a vu au Sahel, offrent un fort potentiel pour une intégration régionale et une stabilité accrue.
Maman Sambo SIDIKOU, Secrétaire Exécutif du G5 SAHEL
*Ce texte a été publié dans sa version originale en anglais sur le site web de l’ONG « ACCORD » (The African Centre for the Constructive Resolution of Disputes), dans le cadre d’un dossier spécial sur la gestion de la crise du Covid-19 en Afrique. Cliquez ici: