Du 17 au 19 mai 2023,c’est tenu à Ouagadougou, un atelier de sensibilisation sur la judiciarisation du champ des opérations de la Force conjointe G5 Sahel. Organisé par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) en partenariat avec le Comité national de coordination des actions du G5 Sahel (CNC G5S) et l’Union européenne (UE), ledit atelier a réuni une vingtaine de participants issus des Forces armées nationales et du bataillon de la Force conjointe G5 Sahel de Dori.
L’objectif de cet atelier de sensibilisation est de « partager de bonnes pratiques identifiées lors de la mise en œuvre par le HCDH d’un projet d’appui à la Force conjointe du G5 Sahel pour la conformité de ses opérations au droit international des droits de l’homme (DIDH), au droit international humanitaire (DIH) et au droit des réfugiés », a déclaré madame Zeinab Hamza Diaby, Représentante résidente du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme dans son discours d’ouverture avant de préciser que, le HCDH soutient depuis 2018 la Force conjointe du G5 Sahel, dans la mise en œuvre d’un cadre de conformité au DIDH, au DIH et au droit des réfugiés, à travers un appui à la Composante Police de la FC-G5S afin de garantir la judiciarisation effective du champ de ses opérations.
C’est en 2015 que le Burkina Faso a connu sa première attaque terroriste et depuis lors les attaques sont récurrentes, causant de nombreuses victimes et de personnes déplacées internes (PDI) : plus de 2 millions de PDI sont enregistrés en fin mars 2023 par le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR). Pour Mme Zeinab Hamza Diaby, « l’intensification des offensives militaires dans la lutte contre le terrorisme justifie l’importance et la pertinence de cette nouvelle orientation qui, à terme, contribuera à renforcer la protection des droits de l’homme dans le cadre des opérations de lutte contre le terrorisme au Burkina Faso ».
En dépit des efforts consentis par le gouvernement et les populations burkinabè pour venir à bout du phénomène, la situation est de plus en plus préoccupante a reconnu monsieur Barnabé Compaoré, chargé de mission au ministère en charge de la Justice, Représentant le Coordonnateur, point focal G5 Sahel. Ces derniers temps, de voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer des exactions subies par des populations dans certaines localités et selon lui cette situation pose évidemment la problématique de la protection de la vie humaine. Une problématique qui interpelle à l’action, les forces combattantes nationales et régionales, notamment la Force conjointe G5 Sahel. « En tant que force régulière, l’enjeu fondamental de sa mission est de préserver la vie humaine et d’éviter des exactions sur les populations innocentes, car le droit à la vie est un droit inaliénable pour tout homme… » a-t-il déclaré. D’où l’intérêt de cet atelier de sensibilisation sur la judiciarisation du champ des opérations militaires au profit de forces combattantes nationales, du bataillon et des prévôts de la Force conjointe G5 Sahel.
Pendant 72h les participants ont, dans une ambiance conviviale, suivi une dizaine de communications se rapportant à des thématiques diverses à savoir entre autres : « la judiciarisation du champ des opérations : Objectifs et enjeux » ; « le mandat de la Force conjointe G5 Sahel et la Judiciarisation du champ des opérations » ; « le cadre de conformité aux droits de l’homme de la Force conjointe G5 Sahel et la judiciarisation du champ des opérations » ; « la procédure opérationnelle permanente (POP) capture, rétention, transfert et libération, principe de non-refoulement » ; « la police judiciaire dans le cadre des opérations militaires » ; « le pôle judiciaire spécialisé et son appui à la mise en œuvre de la judiciarisation » ; « la politique de diligence voulue des Nations unies en matière de droits de l’homme et ses implications pour l’appui à la Force conjointe G5 Sahel ».
À travers les échanges en plénière et les travaux de groupe, les communicateurs et participants ont ensemble exploré les différentes communications pour appréhender les concepts et mieux comprendre les enjeux de la judiciarisation du champ des opérations militaires en termes d’avantage et d’inconvénients. Le moins que l’on puisse retenir à l’issue des échanges, c’est que la judiciarisation du champ des opérations comporte de nombreux avantages. En effet, elle permet d’éviter les détentions arbitraires, elle rend possible la constitution des éléments de preuve et facilite le jugement des crimes commis sur le champ des opérations à travers l’application et le respect des procédures en la matière.
De façon explicite, il ressort que dans le cadre de la FC du G5 Sahel, il est institué une composante police, un mécanisme chargé de la judiciarisation du champ des opérations militaires. Elle met en œuvre la judiciarisation du champ des opérations à travers les prévôts et les unités d’investigation spécialisées.Les prévôtés sont intégrées au sein des bataillons et sont les premiers intervenants sur la scène du crime. Par conséquent, ils sont les premiers acteurs judiciaires déployés sur le champ des opérations pour appuyer les Forces armées du G5 Sahel. À ce titre, ils sont chargés de: sécuriser et fixer les scènes de crime ; préserver les indices et autres pièces à conviction ; procéder aux premières arrestations et identifier les témoins. Outre les prévôts, il y a d’autres acteurs dont le concours à la mise en œuvre de la judiciarisation est indispensable. Ce sont : les procureurs et les juges du pôle judiciaire spécialisé compétents pour juger les actes terroristes au Burkina Faso.
Contrairement à certains préjugés qui font croire que les actions des prévôts portent atteinte aux actions militaires, les échanges ont permis d’affirmer le contraire voire de révéler l’importance de la mission des prévôts au sein des bataillons. En effet, ces derniers ont pour principale mission d’accompagner les actions militaires et d’aider à la manifestation de la vérité en cas d’incidents ou de crime nécessitant une action judiciaire. Cette vérité une fois manifestée pourrait renforcer la crédibilité des actions militaires et la confiance entre FDS et populations. Toute chose qui contribue à gagner la sympathie et le soutien des populations voire à consolider la paix après la guerre. Pour monsieur Compaoré, « La judiciarisationse présente comme une alternative à même de contribuer à humaniser les théâtres de bataille et à établir un lien étroit entre la guerre et la paix, car la finalité de toute guerre est de parvenir à la paix ».
Les échanges ont également permis de relever quelques difficultés pouvant entraver le bon fonctionnement du mécanisme de judiciarisation du champ des opérations militaires et de formuler des recommandations à transmettre aux autorités compétentes pour une suite à donner.
Les participants ont unanimement salué la tenue de cette session de sensibilisation qui les engage à travailler ensemble pour réussir la judiciarisation du champ des opérations de la FC G5 Sahel, puis souhaité sa reconduction au profit de tous les acteurs impliqués dans la chaîne de la judiciarisation du champ des opérations de la FC G5 Sahel. La représentante du HCDH, Mme Diaby, visiblement satisfaite des conclusions de cet atelier a pris l’engagement de plaider en faveur de cette reconduction.
Boris Edson YAMEOGO