L’attaque contre le camp militaire à Inatès au Niger en décembre 2019 et les autres attaques contre les bases militaires au Mali et au Burkina Faso, et plus généralement contre les populations, rappellent que la menace terroriste ne cesse de s’intensifier dans la région du Liptako-Gourma, aux frontières du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
Dans une logique de pragmatisme et d’opportunisme, les groupes terroristes et extrémistes violents profitent des trafics illicites dans la région, pour mieux s’implanter et générer des ressources.Afin de répondre à cette menace régionale multidimensionnelle, les Etats du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, regroupés dans le cadre du G5 Sahel, ont organisé une rencontre du 3 au 6 décembre 2019 à Niamey pour échanger sur la judiciarisation des opérations militaires du G5 Sahel.
L’objectif de cet atelier régional était d’échanger sur la Composante Police, un mécanisme inédit permettant de réaliser des poursuites judiciaires contre les auteurs de terrorisme et de crime organisé, arrêtés par la Force Conjointe du G5 Sahel.
La Force Conjointe a été mise en place en 2017 afin de lutter militairement contre le terrorisme et le crime organisé. Avec environ 5000 militaires déployés, la Force opère aux frontières communes des Etats du G5, notamment dans le Liptako-Gourma.
Grâce à des gendarmes intégrés dans les bataillons militaires (prévôts) et des enquêteurs spécialisés, la Composante Police permet de compléter le travail des forces armées, en assurant que des suites judiciaires appropriées soient données aux résultats des opérations sur le terrain et que les personnes qui se sont rendues coupables d’actes de terrorisme et de trafics, arrêtées par la Force Conjointe, soient poursuivies et condamnées en justice dans le respect de l’Etat de droit. Cet outil innovant participe à la restauration de la justice et au renforcement de la confiance entre les populations et les forces de défense et de sécurité dans la région.« Nos soldats ont besoin d’être appuyés pour que leur sacrifice ne soit pas vain. L’action militaire doit être complétée par une action judiciaire pour mettre fin à l’impunité dans le respect des principes des droits de l’Homme et de l’Etat de droit » souligne la Coordinatrice Résidente du Système des Nations Unies au Niger, Mme Bintou Djibo.
Une centaine de participants représentant les différents maillons de la chaine pénale de chacun des Etats du G5 Sahel – militaires, prévôts, enquêteurs, magistrats et représentants de l’administration pénitentiaire – ont pu échanger durant trois jours sur la Composante Police. Au cours de réunions thématiques, les participants ont discuté du rôle du Conseiller Police dans la pratique, de celui des prévôts, de l’état des lieux des administrations pénitentiaires, des défis de la collaboration entre magistrats, militaires et enquêteurs, etc. De même, au cours d’un échange inédit, les participants se sont regroupés par pays pour comprendre les défis de la judiciarisation des opérations militaires du G5, à chaque étape de l’arrestation, du transfert, de l’enquête et du jugement et proposer des solutions propres à chaque contexte national. La richesse de ces discussions a permis d’adopter une trentaine de recommandations, en plus des propositions spécifiques à chaque Etat.
Cet atelier a également été l’occasion de renforcer la collaboration entre les différents partenaires internationaux qui appuient la Composante Police. Sous la supervision du Secrétariat Permanent du G5 Sahel, cette activité a été coorganisée et cofinancée par l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme et Expertise France/Union Européenne. Cette organisation conjointe a permis de regrouper les différentes expertises et d’éviter les duplications de l’assistance des partenaires, en renforçant ainsi la pertinence et l’efficacité de l’action des Partenaires techniques et financiers (PTF).
L’engagement de l’ONUDC dans cette activité a été rendu possible grâce au soutien financier de la République Fédérale d’Allemagne au Programme Sahel de l’ONUDC. L’objectif du Programme Sahel est d’appuyer le développement de systèmes de justice pénale accessibles, efficaces et responsables afin de mieux lutter contre le trafic de drogue, les trafics illicites, le crime organisé, le terrorisme et la corruption dans le Sahel. Cet appui s’inscrit dans le cadre des Objectifs de développement durable des Nations Unies, en contribuant en particulier à l’atteinte de l’objectif 16 qui vise à « Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous ».