La France et le Nigeria ont signé une feuille de route sur leur coopération militaire, notamment en matière de renseignement, afin de renforcer la lutte contre le groupe islamiste Boko Haram dans la région du lac Tchad.
« Il y a deux préoccupations majeures dans les engagements que nous avons pris : il s’agit d’abord d’un combat commun contre le terrorisme et singulièrement contre Boko Haram », a déclaré le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en visite à Abuja, capitale du Nigeria.
« Le deuxième sujet déterminant dans notre coopération, c’est la lutte contre l’insécurité maritime » dans le golfe de Guinée, notamment la piraterie, un enjeu sécuritaire et commercial majeur pour les pays de la région, a-t-il ajouté.
Son homologue nigérian, Mansour Dan Ali, s’est félicité de ce « partenariat croissant » entre les deux pays, initié lors d’un sommet de dirigeants ouest-africains dédié à la lutte contre Boko Haram à Paris en décembre 2014 et qui se traduit notamment par l’échange de renseignements militaires.
La France fournit ainsi au Nigeria des images satellitaires ainsi que d’autres prises par des chasseurs Rafale basés dans la capitale tchadienne N’djamena, qui survolent la zone du lac Tchad où sévit Boko Haram au confluent de quatre pays (Tchad, Cameroun et Nigeria et Niger).
Elle lui a déjà remis « 2.000 dossiers image », a-t-on indiqué dans l’entourage de M. Le Drian. Des Nigérians sont aussi formés à l’interprétation d’imagerie par le Renseignement militaire français.
« La France a une grande influence sur tous les pays » francophones de la région, autant de voisins avec lesquels le Nigeria entend « renforcer sa coopération », a souligné Mansour Dan Ali.
L’armée française sert ainsi de facilitateur de dialogue entre les Nigérians anglophones, très centrés sur leurs propres intérêts stratégiques, et les Tchadiens et Nigériens avec lesquels elle a l’habitude de travailler, notamment dans le cadre de l’opération antiterroriste Barkhane.
Les deux ministres ont signé une lettre d’intention traçant les grandes lignes de la coopération militaire bilatérale, après avoir présidé un haut comité de défense conjoint initié lors d’une visite du président nigérian Muhammadu Buhari à Paris en septembre 2015.
Le Directeur de publication de l’oeil du sahel à Yaoundé Guibai Gatama demande de la « patience » pour vaincre Boko Haram. Joint par VOA Afrique, M. Gatama conseille à s’attaquer à la « racine du mal » qu’est la « pauvreté ». Tout en appréciant les efforts déjà fournis dans cette lutte, il reconnait que ce n’est pas « suffisant ».
Ce comité anticipait aussi un sommet sur la sécurité régionale, prévu le 14 mai à Abuja, auquel participeront le président français François Hollande, ainsi que des représentants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
« Ce sommet démontrera notre forte volonté politique commune dans la lutte contre Boko Haram », a noté Jean-Yves Le Drian qui a également rencontré le président Buhari.
Les deux armées ont signé de leur côté un « document de coopération opérationnelle » détaillant 28 actions à mener d’ici à la fin 2016, de la formation (lutte contre les engins explosifs artisanaux, sauvetage au combat..) aux exercices militaires transfrontaliers et maritimes conjoints avec les pays voisins.
Américains et Britanniques forment de leur côté fantassins et unités de combat interarmes. Les Etats-Unis disposent aussi de 300 soldats au Cameroun dans le cadre d’opérations de renseignement et de surveillance, notamment avec des drones.
Les pays de la région doivent renforcer leur coopération militaire régionale encore insuffisante malgré la mise en place d’une Force multinationale mixte (FMM – environ 8.000 hommes) contre Boko Haram et d’une cellule de coordination en matière de renseignement et de logistique à N’Djamena.
« C’est encore loin d’être parfait mais cela commence à fonctionner. A force de se parler, ils vont finir par coopérer, comprendre que leurs intérêts communs sont plus importants que leurs divergences », souligne-t-on de source militaire française.
Le Nigeria devrait enfin consulter la France en matière d’acquisitions d’équipement (blindés légers, drones, imagerie..). « On va les aider à identifier leurs besoins et les procédures d’acquisitions », indique-t-on de source française. Avec peut-être à la clé quelques contrats d’armement pour l’industrie française…
Boko Haram a subi d’importants revers ces derniers mois face aux offensives des armées de la région qui l’ont chassé de la quasi-totalité des localités dont il s’était emparé au Nigeria. Affaibli, le groupe conserve pourtant un important pouvoir de nuisance, en multipliant notamment les attentats-suicides, économes en moyens.
Source AFP