La stratégie de lutte contre le terrorisme doit s’attaquer aux causes profondes

par g5sahelnow


 Invité d’honneur du Président Macky Sall à la 6é édition  du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité, le président Mauritanien Mohamed Cheikh GHAZOUANI a accordé une interview au quotidien national sénégalais  le Soleil .IL a , estimé que «le leadership de la lutte contre le terrorisme doit être confié aux États qui y font face au quotidien».

Vous êtes l’invité d’honneur du Président Macky Sall au Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. Quelle appréciation faîtes-vous de cette marque de distinction ?

Cette marque de considération du Président Macky Sall m’honore amplement et démontre, si besoin est, notre attachement profond aux multiples liens fraternels, faits d’amitié et d’estime mutuelles qui unissent nos deux pays.

Le Forum renvoie à la situation dans le Sahel, une zone confrontée à l’insécurité et à l’extrémisme jihadiste. Votre pays est membre du G5 Sahel qui peine à venir à bout du mal. Qu’attendez-vous de la rencontre de Dakar ?

Le Forum de Dakar est devenu, aujourd’hui, un rendez-vous important permettant aux décideurs politiques et hommes de pensée d’échanger sur les enjeux de Paix et de Sécurité de notre continent. Grâce aux regards des différents participants, il se dégage sans doute des idées novatrices enrichissant le champ de la réflexion stratégique sur les questions essentielles qui nous interpellent aujourd’hui.

Votre prédécesseur, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, dénonçait le manque de moyens du G5 Sahel, qui, disait-il, « fait avec le peu de moyens qu’il a, et avec beaucoup de promesses, alors que la Minusma a énormément de moyens et ne fait pas si bien ». Quelles seront les propositions mauritaniennes pour inverser la tendance ?

Nous estimons qu’aucune stratégie de lutte contre le terrorisme ne saurait être efficace si elle ne s’attaque pas aux causes profondes qui lui offrent un terreau favorable. Ces causes étant d’abord endogènes, il importe au niveau de chaque État de s’appuyer sur une approche multidimensionnelle comportant les volets politique, économique, social, juridique, idéologique et, bien entendu, sécuritaire. Les politiques de développement doivent être beaucoup plus inclusives et basées sur la promotion de la bonne gouvernance et de l’État de droit.
Nous pensons aussi qu’il est essentiel que le leadership de la lutte contre le terrorisme doit être confié aux Etats qui y font face au quotidien. Il va s’en dire que nous soutenons toutes les initiatives régionales et internationales qui visent à endiguer le terrorisme dans notre espace commun, mais, il est important de veiller à ce que ces initiatives viennent en complément, et non en substitution, aux efforts entrepris par les pays concernés.
C’est pourquoi nous appelons la communauté internationale à accélérer la mise en place des dons promis au G5 Sahel. C’est dans ce même cadre que nous plaidons pour une résolution de l’Onu sous Chapitre VII à la Force Conjointe du G5 Sahel avec un financement pérenne, ainsi qu’un mandat plus robuste au profit de la Minusma afin qu’elle puisse s’engager pleinement dans la lutte contre le terrorisme au Mali. Par ailleurs, il convient que la Communauté internationale s’implique davantage pour le règlement définitif de la crise libyenne qui, comme tout le monde le sait, est un facteur déstabilisateur de toute la sous-région.

Estimez-vous que les pays membres du G5 Sahel échangent suffisamment d’informations dans la lutte contre l’insécurité ?

Il est vrai que pendant des années, le déficit en matière d’échange de renseignements constituait un handicap important pour la coordination entre Etats. Mais, des progrès notables ont été réalisés aujourd’hui pour accélérer les procédures de partage. C’est ainsi qu’un protocole d’échange de renseignement a été signé entre les Etats membres du G5 Sahel, la Force Conjointe et la Force Barkhane. Dans le même cadre, une résolution du Conseil de Sécurité de l’Onu, 2480 du 27 juin 2019, autorise la Minusma à mettre à la disposition de la Force Conjointe des informations pertinentes d’ordre opérationnel.

La France tente de convaincre ses partenaires européens à envoyer des forces spéciales au Sahel pour accompagner les armées des pays africains concernés. Avez-vous l’impression que les pays occidentaux en font suffisamment pour venir à bout de l’insécurité ?

L’Union européenne est un partenaire privilégié du Sahel dont il importe de saluer les efforts.
Toutefois, ses mécanismes de fonctionnement retardent la mise en place des financements annoncés et limitent ses domaines d’engagement.
A titre d’exemple, elle ne peut pas apporter de soutien en matériel létal comme les armes et les munitions à la Force Conjointe.
L’approche américaine, quant à elle, privilégie la coopération bilatérale. C’est dans ce cadre qu’un matériel destiné à renforcer les capacités des bataillons de la Force Conjointe a été livré aux différents pays.

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