« Il me paraît primordial, fort notamment de mon expérience dans plusieurs missions et organisations internationales, de tout faire pour nous assurer que le G5 Sahel, dans ce contexte si particulier et délicat pour la stabilité voire la survie de nos États, ne sera pas une énième organisation parmi tant d’autres et surtout, ne sera pas perçue par une partie de l’opinion comme un autre machin » a déclaré Jeudi à Niamey le Secrétaire Permanent du G5 Sahel lors de la “ Conférence sur la présidence du Niger du G5 Sahel, une rencontre organisée par Le Centre National des Études Stratégiques et Sécuritaires (CNESS/Niger) en collaboration avec The National Democratic Institute (NDI/États-Unis).
“Nous sommes donc résolument engagés dans une longue bataille et au bout de ces efforts, dont l’empreinte à laisser par la présente présidence en exercice devra être remarquable, une victoire certaine nous attend car notre cause est juste et tous les moyens possibles devront être mis à contribution pour parvenir à nos fins »a ajouté M. Sidikou, précisant que « cette victoire sera celle du développement durable dans la région du Sahel, désormais pacifiée et sécurisée, solidement inscrite dans une ère de prospérité pour ses populations et pour le reste du continent africain”
En prenant en février dernier la présidence en exercice du G5 Sahel, à la suite de la conférence des Chefs d’États qui s’est tenue à Niamey, le Président de la République du Niger, Son Excellence Issoufou Mahamadou a clairement exprimé son intention d’inscrire ce mandat dans une optique de monter en puissance irréversible du G5 Sahel dans ses deux dimensions essentielles que sont le volet sécuritaire et celui du développement. La feuille de route, objet de la présente rencontre illustre bien cette volonté de marquer concrètement à plusieurs niveaux cette présidence en exercice, en vue de contribuer efficacement à l’atteinte des objectifs assignés à notre jeune organisation sous régionale, le G5 Sahel.
Eu égard à ces considérations pertinentes et en ma qualité de nouveau Secrétaire Permanent du G5 Sahel, il me paraît primordial, fort notamment de mon expérience dans plusieurs missions et organisations internationales, de tout faire pour nous assurer que le G5 Sahel, dans ce contexte si particulier et délicat pour la stabilité voire la survie de nos États, ne sera pas une énième organisation parmi tant d’autres et surtout, ne sera pas perçue par une partie de l’opinion comme un autre « machin » qui viendra encore renforcer le fossé entre les élites et nos populations.
Comme nous le savons tous, le Sahel vit une crise multidimensionnelle qui a pris depuis quelques années des proportions alarmantes et dont les manifestations les plus visibles sont notamment le terrorisme de masse, la criminalité transfrontalière, la migration clandestine et ses effets néfastes dont l’abjecte traite des êtres humains, les conflits communautaires locaux, l’absence de présence effective de l’état dans des zones importantes de nos territoires nationaux, la désaffection des populations surtout des jeunes, voire même l’hostilité envers les pouvoirs publics et j’en passe.
Aujourd’hui, force est de reconnaître que malgré des réelles insuffisances, nos États ont pris la mesure de la situation de « péril en la demeure » et, j’en veux pour preuve notamment les efforts financiers considérables consentis par les gouvernements de nos cinq États afin de répondre aux exigences en matière de renforcement des capacités de nos forces de défense et de sécurité.
En l’occurrence, le Niger en est un exemple patent avec au moins 21 % de son revenu annuel destiné à la Défense Nationale et, de manière générale, nos 5 États membres y consacrent en moyenne 6,7 % de leur PIB. Ces chiffres sont amplement justifiés par le contexte dangereux du moment mais, il serait irresponsable de nier qu’un tel effort pour notre sécurité collective n’ait pas de conséquences, les moyens étant limités, sur les autres secteurs prioritaires de la vie nationale, dont particulièrement les secteurs sociaux touchant directement à la qualité de vie de nos populations, surtout les plus marginalisées. Il en va de même de la dette de nos États qui s’accroit alors qu’une partie non négligeable des ressources financières nouvelles ne vient pas servir à renforcer les capacités productives de nos pays mais plutôt à empêcher la déliquescence de nos États qu’une insécurité généralisée et d’une ampleur plus grande risquerait de favoriser à coup sûr.
Au final, il ne s’agit pas de privilégier un secteur par rapport à d’autres tout aussi prioritaires mais de prendre la pleine mesure d’une réalité complexe qui nécessite des réponses concomitantes et efficaces à plusieurs niveaux. C’est ici l’occasion de féliciter et d’encourager la dynamique de mutualisation graduelle des efforts dans plusieurs domaines majeurs entre les pays du G5 Sahel. Avec nos maigres ressources disponibles, avant de compter sur l’appui de nos amis et partenaires extérieurs, il est vital de rassembler nos forces et de mieux travailler en synergie.
Dans cette perspective, la présente présidence en exercice coïncide justement avec la mise en place effective de la Force Conjointe du G5 Sahel, première réponse concrète et visible par tous de cette approche intégrée. Toujours dans cette même sphère sécuritaire, je mentionnerai aussi avec satisfaction les efforts en matière de coordination du travail entre les polices et les services de renseignements de nos cinq pays. Nous sommes donc sur la bonne voie en ce qui concerne l’approche globale susceptible de permettre une réponse appropriée aux problématiques majeures qui concernent et préoccupent les pays du G5 Sahel. Il s’agit maintenant de rapidement traduire sur le terrain, au-delà du volet sécuritaire déjà bien avancé, cette volonté politique impulsée au plus haut niveau de nos cinq États.
La mise en œuvre de la feuille de route de la présidence en exercice du G5 Sahel par le Niger devrait par conséquent concourir judicieusement à cette nécessaire matérialisation sur le terrain, dans le vécu quotidien de nos populations, de cette volonté politique de mutualisation des efforts des pays du G5 Sahel afin de faire face aux défis communs. Nous pensons ici spécialement aux zones transfrontalières et aussi à ces grands espaces territoriaux qui ont littéralement décroché depuis trop longtemps avec la gestion administrative régulière de nos États.
Ce sont ces populations vivant dans ces régions du Sahel qui doivent mériter le plus notre attention dans l’immédiat car, leur environnement et la réalité de leur vie quotidienne en font des véritables « oubliés de la vie nationale » de nos cinq pays et des cibles propices pour les forces négatives à la recherche de candidats afin de venir renforcer leur œuvre malveillante comme le démontre plusieurs études sur les dynamiques locales favorisant l’expansion du terrorisme.
Aussi, les axes prioritaires définis sur la feuille de route de la présidence du G5 Sahel par le Niger doivent servir de balises pour le travail à réaliser au cours des prochains mois avec parmi les actions prioritaires à privilégier, des projets à impact rapide et visible destinés à nos populations les plus marginalisées. Ces projets devront être réalisables rapidement mais, inscrits dans une perspective de long terme, incluant notamment l’aspect autonomisation des populations bénéficiaires et effets multiplicateurs. Conçus en concertation avec ces dernières, les principaux concernés dont les femmes et les jeunes en particulier, ces projets nous éloigneront fort pertinemment du paradigme souvent inapproprié des « projets prêts à consommer », pensés loin du terrain d’opérationnalisation sans prendre forcément l’avis des futurs bénéficiaires et censés être reproductibles aisément un peu partout.
Évertuons-nous aussi à ce que nos cinq pays concernés soit équitablement l’objet d’une attention pertinente dans la sélection des projets à mettre en œuvre rapidement au cours des prochains mois afin qu’au terme de cette présidence en exercice du Niger, il soit retenu des actions positives palpables et inscrites dans la durée entamées dans tous les pays du G5 Sahel.
D’autre part, une bonne communication sur ces initiatives à impact visible et concret devra se faire en vue de « gagner aussi la bataille des cœurs » et d’insuffler une atmosphère plus positive au sein de toutes les couches de nos populations dans cette période de graves crises socioéconomiques et où les bonnes nouvelles ainsi que les raisons d’espérer en des lendemains meilleurs sont plus que rares.
Dans cette même perspective de consolidation de l’adhésion populaire, il est primordial, par respect pour nos populations et en conformité avec les engagements internationaux librement consentis par nos cinq pays, de veiller au respect strict des droits humains dans cette lutte contre la terreur. La promotion des droits et libertés des citoyens doit être perçue comme un atout et non comme une contrainte car elle participe notamment à la décrédibilisassions du discours des forces rétrogrades que nous combattons. À ce propos, l’accord signé par le Président en exercice du G5 Sahel, au nom de tous ses pairs le 23 février dernier à Bruxelles avec les Nations Unies et l’Union européenne, mentionne clairement l’obligation de respecter les droits de l’homme dans la conduite de toutes nos actions. Le commandement de notre Force Conjointe travaille actuellement en vue de mettre toutes nos troupes au diapason à ce niveau.
Enfin, au cœur de cette dynamique que nous voulons vertueuse au service de la paix, de la sécurité et du progrès de nos pays se trouve le Secrétariat Permanent du G5 Sahel, que j’ai l’insigne honneur de diriger. Sachez que nous travaillons actuellement en urgence afin de renforcer les capacités de notre institution et être ainsi mieux outillés pour mener à bien l’important travail de conception et de coordination de l’action multidimensionnelle dans notre espace sous régional.
Plusieurs partenaires ont d’ores et déjà manifesté leur appui au G5 Sahel et promis d’apporter un soutien supplémentaire, notamment financier.
Il s’agira pour nous de conserver une bonne emprise sur toutes les initiatives au bénéfice du G5 Sahel, d’accentuer aussi le travail en vue d’une plus grande synergie entre tous les pays de la grande région du Sahel et d’œuvrer en cohérence avec les orientations et objectifs stratégiques de l’Union Africaine (Agenda 2063) et des Nations Unies (ODD).
Nous sommes donc résolument engagés dans une longue bataille et au bout de ces efforts, dont l’empreinte à laisser par la présente présidence en exercice devra être remarquable, une victoire certaine nous attend car notre cause est juste et tous les moyens possibles devront être mis à contribution pour parvenir à nos fins. Cette victoire sera celle du développement durable dans la région du Sahel, désormais pacifiée et sécurisée, solidement inscrite dans une ère de prospérité pour ses populations et pour le reste du continent africain. Bref, un Sahel dans quelques années, devenu une référence mondiale en matière de résilience multidimensionnelle.
SOURCE KAKAKI NIGER