Le Président de la République Islamique de Mauritanie Président en exercice du G5 Sahel , M. Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a participé, par visioconférence, à une réunion de très haut niveau portant sur les défis économiques nés de la crise sécuritaire de la région du Sahel, au cours des assemblées annuelles FMI-BM 2020.
A cette occasion, parlant au nom des chefs d’État du G5-Sahel, le Président mauritanien a prononcé un discours dans lequel il a soulevé le problème structurel des économies des pays sahéliens, et a, une nouvelle fois, appelé à l’annulation totale de la dette des pays du G5 Sahel dont le fardeau grève fortement les budgets des États.
Voici le discours intégral du Président en exercice du G5 Sahel :
« Excellence, Monsieur Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger,
Madame la Directrice générale du Fonds monétaire international,
Monsieur le Président de la Banque mondiale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Madame la Commissaire de l’Union européenne,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, tout d’abord, d’adresser mes sincères remerciements à Madame la Directrice Générale du Fonds Monétaire International et à Monsieur le Président de la Banque Mondiale pour m’avoir donné l’occasion de m’exprimer devant cette auguste assemblée.
Je voudrais également, au nom de mes pairs Chefs d’État du G5 Sahel, exprimer notre vive reconnaissance à l’ensemble de nos partenaires pour l’intérêt constant qu’ils accordent aux questions de paix, de sécurité et de développement dans la région sahélienne.
Excellences,
Mesdames et messieurs,
En raison du temps imparti à nos interventions, je me limiterai ici à évoquer trois principaux défis à relever pour nos pays :
Premièrement : Le problème structurel de nos économies, caractérisées par une faible diversification, une prédominance du secteur informel, une prévalence aiguë de la pauvreté et un endettement à la limite du soutenable.
Deuxièmement : La situation sécuritaire au Sahel, de plus en plus préoccupante, compte tenu de la recrudescence et de l’expansion des activités des groupes armés terroristes, a entrainé de nombreuses pertes en vies humaines et des déplacements internes de populations, ainsi qu’une augmentation du nombre de réfugiés. Selon les estimations de la Banque mondiale, le conflit qui sévit dans la région a causé plus de 15 000 morts, et entrainé des déplacements internes de populations excédant 1 million de personnes, ainsi que plus de 165 000 réfugiés.
Cette situation a induit une augmentation des dépenses allouées à la défense et à la sécurité, qui deviennent de moins en moins soutenables pour nos pays.
L’effet d’éviction de ces dépenses des ressources destinées à d’autres secteurs vitaux, tels que l’éducation, la santé et l’emploi, s’aggrave de jour en jour, et met à mal les économies nationales déjà suffisamment éprouvées par la rareté des ressources.
Cette dure réalité expose les populations sahéliennes à davantage de vulnérabilités et constitue un obstacle de plus au retour des services de base dans les zones sensibles.
Troisièmement : La pandémie de la COVID-19 qui est venue, malheureusement, se greffer à ces défis, a aggravé une situation sécuritaire déjà difficile. C’est ainsi que les mesures de confinement très strictes mises en œuvre par les pays de la région afin de contenir la propagation du virus ont perturbé la production et les circuits de distribution, et ont réduit significativement la demande de biens et services.
Nos pays ont également subi les effets des mesures prises par les pays partenaires et du ralentissement brusque de la croissance économique mondiale. Ce choc provoqué par la pandémie a ainsi anéanti des progrès de développement, de lutte contre la pauvreté et de résilience ; efforts qui avaient permis d’atteindre un taux de croissance moyen de plus de 5%.
En plus de défis que je viens d’énumérer, notre sous-région vient d’être secouée par des inondations qui ont affecté de larges zones de notre espace sahélien. Ces facteurs cumulés ont, à n’en pas douter, des conséquences multiples et considérables, parmi lesquels on pourrait relever :
– La baisse substantielle des investissements directs étrangers et des autres flux de capitaux, ainsi que les investissements nationaux ;
– La forte augmentation des dépenses publiques, due à l’expansion des dépenses sécuritaires et de réponse aux urgences ;
– Le recul du produit intérieur brut (PIB) qui devra passer d’un taux moyen de 5,4%, en 2019 pour notre sous-région, à des taux allant de 0,5% à -3,2%, selon les pays, en 2020 ;
– La baisse des recettes publiques, liée au ralentissement des activités économiques ;
– La difficulté pour les États du Sahel de réaliser les projets d’infrastructures et d’assurer les services de base dans les zones à risque ;
– La difficulté à faire face aux effets prononcés du changement climatique.
Mesdames, Messieurs,
Face à ces défis multiformes, les États du G5 Sahel ont mis en place une stratégie commune qui allie sécurité et développement, et qui a permis, avec l’aide de nos partenaires :
• La reprise soutenue des opérations dans la zone dite des trois frontières,
• L’opérationnalisation du Mécanisme de Commandement conjoint,
• Le redéploiement progressif des administrations dans les zones fragiles,
• Le démarrage du Programme de développement d’urgence (PDU) pour l’amélioration des conditions de vie et l’autonomisation des populations vulnérables.
Ces efforts, bien que louables, restent insuffisants par rapport à l’ampleur des défis à relever.
A cet égard, un engagement plus fort et coordonné, de long terme, de la communauté internationale est crucial, tant l’étendue et la complexité des défis auxquels la région du Sahel est confrontée, requiert une réponse décisive aux effets durables.
Cet engagement devra se traduire, dans l’immédiat, par l’annulation totale de la dette des pays du G5 Sahel dont le fardeau grève fortement les budgets des États, et réduit considérablement leur marge de manœuvre pour le financement du développement, la mise en œuvre de l’agenda 2030 et l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD).
Aussi, je souhaiterai que tous les pays du G5 Sahel, exposés aux mêmes risques liés à la situation décrite plus haut, accèdent aux différents guichets dédiés aux pays fragiles et vulnérables. L’on se conformerait ainsi à l’esprit de solidarité qui prévaut dans l’espace sahélien, et on prendrait surtout en compte une réalité qui est à l’origine de la création du G5 Sahel.
Mesdames, Messieurs,
Il me convient de saluer ici, les divers appuis financiers apportés par le FMI, la Banque Mondiale, les partenaires bilatéraux ainsi que l’initiative du G-20, dès le déclenchement de la crise provoquée par la pandémie et visant, entre autres, à suspendre le service de la dette et à atténuer les effets socio-économiques de la crise et d’accroitre les ressources disponibles pour faire face aux besoins des balances de paiements, et diminuer les pressions sur les budgets de nos États. »